Terre et mer sont indissociables à Sailorland. Deux aspects d'un même royaume, deux paysages qui s'articulent, et qui font la richesse de ses habitants. Un pays de marins, de pirates, de marchands et de corsaires, à qui l'eau fournit travail et denrées, et dont ils puisent toutes les forces.

Sailorland est serpenté de ruisseaux et percé de lacs émeraudes, bordé par l'océan au sud et à l'est, par Apple-Kingdom et Umm Ash-shams au nord et à l’ouest. La plupart des villes, entourée de larges bancs de sable fin, est traversée par des canaux permettant le transport de la marchandise. Le relief et ses falaises pointues et austères, aux précipices vertigineux, trace la limite entre hommes et poissons, avec ses forteresses nichées dans des lieux insolites et escarpés, ses plages de palmiers et ses îles en forme de crâne. Sur les hauteurs, encastrées dans la roche, s’alignent les maisons fragiles et colorées des pêcheurs, face à une mer exploitée et dépouillée de ses trésors. Les ports de Sailorland sont immenses, vitaux, chaque ville a donc le sien. Les docks, très actifs, nourrissent les marchés où stagne dans l’air une odeur de poisson étouffante. Sur les étals s’alignent des cascades de coquillages multicolores, d’étoiles de mer séchées, de conques emprisonnant le son des vagues, et, plus précieux, de perles montées en colliers, et de gobelets de nautile.

Toutes ces parures confisquées à la mer pour le plaisir humain sont des biens rares, volés aux sirènes, maîtresses des océans. Des êtres fascinants, ensorcelants, habitant les abysses. Certains les appellent les « démons des eaux », les « viles tentatrices », les « terreurs des marins ». Pas mieux considérées que les autres poissons, elles sont pourtant des créatures dotées d’intelligence et de sentiments toutefois profondément taris depuis que leur habitat a commencé à être pillé de toutes parts. Elles sont les habitantes des mers qu'elles dominent, contrôlent, protègent de toutes leurs forces. A la surface, à l’exception des rivages, la terre est peu fertile, rocheuse, percée de cavernes mystérieuses où l'eau s'engouffre, et l’on y vit surtout des richesses offertes par le sous-sol. Le monde aquatique, lui, est luxuriant. Les sirènes, enchanteresses à la grâce inhumaine, évoluent parmi les récifs coralliens, dansent en compagnie des dauphins, explorent chaque cavité, éprouvent la liberté des grands espaces tout en voyant les bateaux de mauvais augure survoler leur monde. Et quand la tempête se lève, balaie les ponts des navires, arrache les étendards, s'écrase contre les rocs côtiers, et sabre d'éclairs le ciel courroucé, elle annonce la tristesse et la colère d'une sirène, trompée, blessée, meurtrie.

A l'époque où une harmonie régnait encore entre Atlantica et Sailorland - les deux peuples travaillant main dans la main - le ciel était toujours d'un bleu unique, azuré, pur, sans un nuage. Le vent favorable poussait les frégates vers l'horizon, jamais un orage ne venant menacer les habitants. Aujourd’hui, les cœurs se sont gelés et la température a chuté : c'est du moins ce que l'on chuchote.

A Sailorland, la mentalité individualiste et intéressée l’emporte sur la société.  Hommes et pirates se munissent d'un compas, de leur boussole et d'une bouteille de rhum, et s'élancent dans des courses aux trésors hasardeuses, s'enrichissant sur le dos des braves gens, faisant régner leur loi à l'insu du pouvoir royal. Criminalité et escrocs sont habituels, tout comme le vol de bateaux, les courses poursuite entre officiers et forbans, et les affrontements navals à coups de canons. Une grande insécurité règne dans les rues et les lieux malfamés, aux mœurs débridées, se développent. Maisons closes, tavernes, marchés noirs, tant d'enseignes contrôlées par la vermine, et l’on préfère ici vendre père et mère plutôt que d'aller à la potence. Les intérêts personnels et la loi du plus fort l’emportent sur le reste, et même si la flotte militaire de Sailorland est la plus grande et la plus puissante, la Régente doit payer des brigands pour qu'ils épargnent les bateaux royaux (malgré quelques « accidents »). Ce n’est qu’exceptionnellement que des pirates sont emprisonnés sur des îles solitaires, ou pendus pour leurs méfaits, car les Seashells sont souvent obligés de fermer les yeux pour ne pas voir le vent tourner et une guerre civile se profiler. Il vaut mieux entretenir de bonnes relations avec ces criminels plutôt que les avoir sur le dos, telle est leur douloureuse observation.

La mer est pour les habitants de Sailorland l'objet de toutes les convoitises. Ici, tous savent nager à la naissance. C'est capital, primordial, presque vital. Certains ont même hérité de la faculté extraordinaire de pouvoir respirer sous l'eau, cela se limitant surtout au cercle de la lignée royale et à quelques rares individus, descendants de sirènes.

Ici, pêcheurs et pirates ont le même but : le profit, quitte à enfreindre une ou plusieurs lois. Si officiellement le peuple de la terre se doit de protéger les sirènes et leur magie des autres royaumes, bien peu de marins seraient prêts à relâcher à la mer une sirène prise dans leurs filets. Ils y voient là plutôt une aubaine, l'occasion de soutirer à ces êtres si délicats une larme aux vertus magiques. Certains parcourent même les mers dans cet unique but, faisant fi des moyens mis en œuvre et des lois à contourner.

Les uns avec leurs maudits filets et les autres avec leurs envies de richesses, les pêcheurs et les pirates sont le fléau des sirènes. Sous un océan jonché d'épaves vivent ces charmeuses à la voix de velours, au chant hypnotique. En représailles aux persécutions touchant leur peuple, ces créatures des eaux ont fait des marins leurs proies. Le charme d'une sirène est fatal pour celui qui y succombe, car, noyé par un amour soudain, il est emporté dans les abysses. Chez elles, le rejet de l’Homme passe aussi par leur physionomie, il est donc rare de les voir échanger leur queue contre des jambes. Ne restant jamais bien longtemps hors de l'eau, leurs écailles ne peuvent sécher pour laisser place à des jambes. L'utilisation de cette faculté a d'ailleurs été perdue avec le temps, et pour une sirène moderne il est quasiment impossible de tenir debout dès le premier essai. Il est de toute manière peu commun de voir l'une d'entre elles vivre parmi les humains au risque d'être rejetée par ses semblables.

Le temps où humains et sirènes se mélangeaient appartient au passé. La pire tare pour un habitant des abymes serait même de s'imprégner d'un humain. L'imprégnation est un trait majeur du comportement sirénique, rendant leur amour si spécial. Si les humains peuvent ne jamais trouver la perle rare ou ne pas croire en l’Amour, les sirènes, elles, se destinent à une seule âme-sœur qu'elles rencontreront en temps voulu et à laquelle elles se sentiront liées à vie, dépendantes et dévouées. Une sirène aveuglée par l’amour pourrait offrir à l’être dont elle s'est imprégnée toutes les richesses de l’océan, et jusqu’à sa vie. Il s'agit d'un amour sans limite et destructeur s'il est à sens unique, et c'est parfois ce qui arrive lorsque l'élu est humain, raison pour laquelle les sirènes se méfient tant de cette espèce si avide et cupide.

Mais les sirènes ne sont pas la seule crainte des humains. Les pêcheurs prient chaque matin les divinités de la mer et des océans avant de prendre le large, et tremblent de trouver, logée dans une huître, une perle de nacre noire comme l'ébène, mauvais présage pour ces hommes superstitieux. Les pirates, eux, redoutent les malédictions accompagnant les trésors enfouis et la marque noire symbole de leur trépas prochain. Et tous frissonnent devant les créatures dissimulées dans les abysses, sorcières des mers et surtout kraken, monstre légendaire à la force effroyable.

"Il était une fois"... une jeune sirène nommée Ariel. Fille cadette du Roi Triton, entourée de ses nombreuses sœurs, elle vivait heureuse sous l'océan. Mais cela ne lui suffisait pas. Elle avait besoin d'autre chose. Elle voulait comprendre et voir ce que l'être humain pouvait réaliser. A cette époque de l'Histoire, la relation entre un humain et une sirène était totalement interdite. L'Homme ne connaissait en aucun cas l'existence des sirènes, car celles-ci vivaient sous les mers et usaient de prudence pour préserver le secret. Mais durant une terrible tempête, Ariel secourut un jeune prince tombé dans l'océan agité, et se faisant engloutir par les vagues. L'amour perça son cœur : il était enfin là, cet être charmeur, son prince riche et sans peur ...

Après de nombreux obstacles et périples, notamment dus à la cruelle sorcière des mers, Eric et Ariel, amoureux et complices, célébrèrent leur mariage en l'an 1171, alors que l'existence des sirènes fut révélé au grand jour. Les habitants de Sailorland se fascinèrent pour ce peuple aux dons et aux aspects bien mystérieux. Alors qu’une entente commençait à se créer, le Roi Triton, par amour pour sa fille et désireux d’enfin unir les deux peuples, accorda à toutes les sirènes la capacité de changer leur queue contre une paire de jambes. Pour pouvoir "sauter, danser, flâner !", disaient-ils. Le monde changea à jamais et par ce cadeau, une amitié solide naquit. Les sirènes se mêlèrent aux humains et beaucoup d'entre elles restèrent sur terre pour vivre cet amour si longtemps interdit. Ariel, cette jeune sirène pleine de rêves et d'insouciance, put enfin vivre pour toujours auprès de son époux, son prince, Eric, Roi de Sailorland. Et de cette union, une jeune princesse, Melody, vit le jour.

Sous le règne d'Ariel et de Melody, l'entente entre Sailorland et Atlantica était au sommet. Chaque habitant, qu'il soit de la terre ou de la mer, se respectait. Les humains protégeaient les sirènes des pirates et autres brigands venus des autres royaumes pour piller les océans et s'accaparer la magie des sirènes. Depuis la révélation leur existence, elles étaient devenues la menace de beaucoup de personnes. Mais grâce à Sailorland, elles étaient protégées. Plus qu'un pacte signé, c'était surtout l'amitié qui les préservait.

Mais les siècles passèrent. Les nombreux mariages arrangés entre différents royaumes annihilèrent lentement l'héritage d'Ariel et Eric. Les frontières devenaient de plus en plus minces, laissant entrer de nombreux étrangers. Plus personne pour surveiller. Plus personne pour réglementer. Et au fil du temps, les régents de Sailorland oublièrent les belles et précieuses paroles de leurs ancêtres. Ils perdirent leur philanthropie, leur clémence, leur respect d'autrui, et prirent le dessus sur le peuple d’Atlantica. Et l’Homme commença à bafouer son serment, pillant les mers, chassant les sirènes à qui il vola trésors et richesses, aveuglé par le vice. L'amitié laissa place à la crainte, et les sirènes qui vivaient encore parmi les humains commencèrent à regagner les mers, ne se sentant plus en sécurité. Les jambes laissèrent la place aux nageoires. Cette richesse, ce mélange des deux espèces devint mal vu. Bafoué, rejeté, le peuple de la mer dû se cacher, fuir Sailorland pour éviter de se faire pendre par les pieds. Une Histoire commune et un patrimoine riche et respectueux des races, sombrèrent dans l’oubli.

De nos jours, les mentalités ne cessent d’empirer. Qu'il est loin le temps d'Ariel et du pacte d'amitié. Maintenant, la haine a succédé à la terreur. Les deux peuples ne s'entendent plus. Les pirates traquent et tuent les sirènes alors que ces dernières deviennent vipères en noyant tout humain osant s'aventurer trop loin du rivage. Seule prime la survie. Les sirènes sont soumises, et les humains dominent, sous l’impulsion d’une royale descente de la "Reine de cœur", plus communément  nommée "La Reine Rouge". Une Reine qui méprise les sirènes et rêve en secret de leur disparition, les accusant sans vergogne d'avoir assassiné son enfant, sa chair et son sang, son unique fils. Plongée dans cette douce et douloureuse folie, Sailorland est sur le point d'exploser. Le monde n'est plus ce qu'il était. Humains et sirènes ne communiquent plus et il est bien fantasque d’espérer le retour de la paix. L’avenir est cependant plein de surprises ... Kalia, jeune princesse descendante directe d'Ariel, et dernier enfant royal, a en effet hérité de son illustre aïeule ses qualités de cœur. Douce, compatissante, philanthrope, elle est peut-être l'unique espoir dans ce monde de cauchemar ... Un nouveau chapitre commence...

Des liens se tissent et se tranchent au fil du temps qui passe, permettant de construire des pactes entre royaumes, ou de détruire les accords devenus poussière. Basées sur des relations fragiles tendant à se briser dès lors qu'un désaccord se fait sentir entre les différentes parties, nombreuses furent les alliances construites sur des fondations vulnérables. Au XIIème siècle, Sailorland et Atlantica ne faisaient plus qu'un : une union entre une sirène et un prince de la terre ferme avait permis d'apaiser des tensions futures, faisant place à une atmosphère de sérénité dans l'ensemble du Septième Royaume. Ariel et Eric parvinrent à construire une communauté, en en mêlant deux bien distinctes, prônant la tolérance et l'acceptation d'autrui. Évidemment, il resta des individus qui eurent du mal à concevoir l’existence de la paix. Pour eux, il était impossible que deux espèces différentes puissent cohabiter et entretenir des relations cordiales.

Ces personnes n'avaient peut-être pas totalement tort. Les liens s'effritent, cédant le pas aux divergences, aux mésententes, jusqu'à la rupture. Lorsqu'un parti souhaite prendre le dessus sur l'autre, les discussions s’achèvent bien souvent dans des teintes rougeâtres. Le feu, le carmin qui coule, les boulets de canon qui résonnent et qui font trembler les murs du continent. Quand Ariel et Melody régnaient sur le Septième Royaume, conversations, débats et discussions s’instauraient dans une harmonie et une humeur paisible. Dès 1275, les regards des deux communautés autrefois unies dévoilèrent ub sentiment de crainte, une amertume certaines que nulle ne pouvait plus cacher.

Les humains craignaient les créatures marines, et inversement. Chacun se sentait en danger. Les sirènes repartirent dans leur cité sous-marine, les humains les regardant s'en aller dans l'obscurité des abysses tout en en profitant pour piller les trésors enfouis. Le XIIIème siècle ne fut pas seulement marqué par la destruction du pacte entre cités. Pour des raisons politiques, géographiques et stratégiques, dans un contexte de guerres, Sailorland s’allia à Umm Ash-shams et au Val de Joly, afin d’avoir des yeux et des oreilles dans la totalité d'Enarya. De nos jours, pour entretenir ces alliances, les dirigeants savent que le mariage est vecteur d’unions garantissant le plus souvent stabilité et fidélité.

Il n’est donc pas étonnant d’entendre sur les places principales des messages annoncer des unions entre deux familles de royaumes différents. Si la belle Ella Mélisandre Ashcroft devait épouser, il y a un an de cela en 1422, le jeune roi Delan Seashells, ce dernier a subitement disparu en mer. Les accusations se portent sur le peuple des sirènes, qui aurait emporté le corps dans les profondeurs inatteignables de l'océan. Les tensions se veulent plus virulentes, la Reine Mère Azalaïs Seashells ne supportant pas le départ de son fils et pointant du doigt ceux qu'elle considère comme coupables, bien qu’ils portent le voile de l'innocence. Les responsables se trouvent plus à l'Est, entourés d'une forêt épaisse et de dragons imposants. Les fiançailles de Clarence Montrose du Val de Joly et de la Princesse Kalia Seashells, représentante de Sailorland, sont alors subitement annoncées. Dès lors, une telle nouvelle pourrait engendrer de nouvelles tensions, difficultés malheureusement inévitables. Si le Val de Joly aura un certain pouvoir à Sailorland, il faut savoir que les Thornsfield avaient pour objectif d'unir leur dirigeant, Soazic Thornsfield, à la jeune Kalia Seashells. Mis de côté, le choix de donner cette opportunité au Val de Joly leur reste en travers de la gorge et les problèmes de communication ainsi que les querelles ne peuvent que poindre.

Le Sixième Royaume partage ses frontières avec Sailorland. Depuis des siècles, une entente est entretenue entre les deux régions, via une communication majoritairement axée sur les affaires et les échanges commerciaux. D'un côté, le Septième Royaume propose des objets que l'on ne trouve que dans sa région, à savoir des perles ou des coquillages montés en bijoux, en décorations de tables ou en ornements muraux. De l'autre côté, Umm Ash-shams leur fournit des épices aux milles et unes senteurs et des fruits non cultivables à Sailorland.

Ces deux contrées possèdent presque les mêmes alliances et les mêmes rivaux, toutes deux partageant des complexités avec Northcrown et Apple-Kingdom. Dans le premier cas, jugements et opinions sont bien trop divergentes pour qu'un quelconque pacte ait lieu d'être. De ce fait, jamais Sailorland et le Quatrième Royaume n’ont tissé d’accord commun. Cela n'a jamais été dans l’intérêt de l'un comme l'autre de se lier avec une région aux différences bien trop perceptibles. Quant à Apple-Kingdom, les anciennes rivalités refont surface. Un jeu d'ascendance et de descendance, une opposition ancrée depuis bien longtemps désormais. Si Sailorland ne tolère pas les actes d'Evil Queen dont il est loin d’être partisan, il faut aussi ajouter la mésentente entre les deux reines. Des désaccords qui perdurent au fil du temps, comme si elles s’évertuaient à avoir des avis contradictoires afin de toujours être le contraste l’une de l'autre.

Néanmoins, les malaises peuvent aussi naître au sein même du royaume. Si, au premier coup d’œil, tous semblent soudés, il suffit de s’intéresser un peu aux affres quotidiennes pour percevoir un contexte très peu serein. La dynastie actuelle fait face aux dangers, et à la violence de pirates qui la répugne. Une guerre interne fait rage avec ceux qui sont vus comme des voleurs, gens malhonnêtes et ingrats, dénués du respect. Un dialogue de sourds s’intensifie, et, bientôt, il y a fort à craindre que le Septième Royaume ne sache plus où donner de la tête : entre les intimidations extérieures  d'Apple-Kingdom, de l’autre côté de la frontière, et ces vauriens de pirates implantés en son sein, le royaume voit sa situation politique ne plus tenir qu’à un fil au milieu d’une paix artificielle.